Posté: 27 février, 2024
Lorsqu’il était coordinateur des programmes de paix du Comité central mennonite (MCC) en Afrique australe, Mulanda Jimmy Juma a mis en place des formations pour les Églises angolaises.
En 2017, une formation est organisée à l’intention des jeunes à travers le Conseil des Églises de Christ en Angola (CICA). Cette année-là, des jeunes gens convergent de toutes les provinces du pays pour apprendre à faire face en tant que chrétiens aux défis de leur société. Le voyage d’une douzaine d’heures depuis la capitale Luanda jusqu’au lieu du séminaire, proche de la frontière avec la Namibie, est effectué en bus. Au cours de ce voyage, on chante des cantiques et on se sent aux anges.
L’exemple de Noé
Pendant la session, l’enseignement porte sur les qualifications d’un bâtisseur de paix en se basant sur le récit de Noé (Genèse 6-8). La situation en son temps est celle d’un déluge de violences que Dieu doit détruire.
La vision de Noé, reçue de Dieu, est de préparer un abri pour sauver un reste du déluge purificateur. Dans ce contexte corrompu, Noé fait exception par son comportement et son courage, qui lui permettent de mener à bien le travail énorme de la construction de l’arche.
Ces qualités font l’étoffe d’un bâtisseur de paix, agent de transformation dans sa famille, son Église, son village et la société dans laquelle il vit. Un tel leader devient ainsi, comme dans une case traditionnelle, un pilier essentiel, une église au milieu du village.
Il est non seulement visionnaire, mais aussi constructeur de ponts entre les parties en conflit ; il crée un espace de dialogue en cultivant la confiance et permet la guérison de ceux qui sont affectés par les événements traumatiques.
Quand le Seigneur prend le contrôle
Pendant la formation, je me sens poussé par le Seigneur à introduire une chanson en swahili : Mambo Sawa Sawa, Yesu a Kiwa Enzini, « Tout est bon quand le Seigneur prend le contrôle ».
Cette chanson, traduite en portugais, deviendra populaire dans différentes Églises et sera une source de motivation et de ralliement pour les jeunes.
Un des participants témoigne : « Les connaissances et expériences partagées par Dr Mulanda (…) m’ont beaucoup inspiré dans mon rôle de coordinateur de la Jeunesse de CICA. J’ai travaillé à créer des centres avec des clubs de paix qui se sont révélés des acteurs importants dans chaque province.
À titre d’exemple, celui de Moxico a entrepris avec succès une médiation entre d’anciens combattants rebelles et le gouvernement provincial de la région ; cela a évité un nouveau déchaînement de violence. »
Luanda, août 2022 : de jeunes chrétiens de CICA effectuent une mission d’observation électorale / Mulanda J. Juma
Un rôle actif pour la paix en Angola
Lors des élections générales de 2022, les jeunes de CICA organisent une observation électorale, en conviant des représentants d’autres confessions pour assurer des élections libres, démocratiques et transparentes.
Une première ! Le président João Manuel Gonçalves Lourenço est réélu pour un deuxième mandat dans le calme et la paix. Je participe à ce processus comme conseiller technique de CICA et formateur des observateurs électoraux. Avec la formation sur la paix et l’observation électorale, les jeunes chrétiens d’Angola sont bien outillés pour continuer à bâtir la paix dans leur Église, leur pays et au-delà.
Un travail de formation à poursuivre
Le programme de leadership de paix met aussi le doigt sur un manque : l’absence, en Angola, de toute formation au leadership de paix à l’intention des responsables d’Église. Le besoin est pourtant criant dans ce pays marqué par des années de guerre. La complexité vient du fait que la violence et les conflits qui en résultent sont systémiques : ils touchent le fonctionnement même de la société et également celui des Églises. Il faut faire appel à un autre type de raisonnement que pour la résolution de conflits interpersonnels. Il faut apprendre à « relier neuf points par quatre lignes droites » !
En d’autres termes, passer par un « remue-méninges » et dépasser les solutions simples en faisant appel à l’intelligence collective pour trouver des solutions. La vision pour CICA d’une telle formation universitaire prend de l’ampleur. Ces jeunes leaders seront ainsi mieux équipés pour faire face aux conséquences de la guerre, être des agents de transformation continue de leur milieu et accompagner le processus démocratique en Angola.
Mulanda Jimmy Juma
représentant du MCC au Burundi et au Rwanda
Angola : le lourd héritage de la guerre
L’Angola accède à l’indépendance en 1975, après une longue guerre de décolonisation, mais enchaîne avec 25 années de guerre civile et devient le théâtre de la guerre froide ! Parmi les nombreux migrants angolais, certains rejoignent les Églises mennonites des provinces du sud-ouest du Congo. À la fin de la guerre, ils retournent dans leur pays d’origine et fondent des Églises mennonites, regroupées en un Conseil des Églises mennonites en Angola, le CIMA.
Les traumatismes psychologiques vécus par ces mennonites angolais, survivant à presque un demi-siècle de guerre ou d’exil, ont des conséquences jusque dans la société en général, au sein des Églises et entre elles, marquées par la méfiance et un esprit de division. Lors des réunions organisées sous l’égide du MCC, ces traumatismes sont abordés dans la perspective de la guérison progressive des relations.
Pour aller plus loin…
Mulanda J. Juma retrace son parcours de vie qui l’a amené à devenir artisan de paix avec le MCC dans son autobiographie L’eau du lac était rouge – Un bâtisseur de paix congolais au cœur des guerres, Éditions Mennonites, coll. Les Dossiers de Christ Seul, 1/2023.
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