Posté: 1 janvier, 2020
Face à la maladie grave, on entend parfois le témoignage de personnes ayant vécu une guérison. Il est plus rare d’entendre une personne gravement malade parler de son combat contre la maladie et du combat de la foi. Michel Kempf ose décrire son cheminement au coeur de la maladie. Témoignage.
Quand la maladie grave s’invite dans mon univers bien ordonné, quand l’horizon de mes projets d’avenir se réduit brusquement, toutes mes certitudes sont ébranlées, une foule de questions se bousculent dans mon esprit...
D’abord, c’est la stupeur et l’incompréhension : on a du mal à réaliser ce qui est en train de se passer ; on s’enferme, on écoute, on cherche désespérément à retrouver ses marques. Puis viennent la révolte et un grand sentiment d’injustice : pourquoi Dieu m’impose-t-il cela à moi ?
PEURS
Mes peurs sont aussi très présentes : peur face à la dureté des traitements à venir, peur du silence de ma chambre, peur de flancher dans ma foi face à cette mort soudain si proche ; peur aussi du regard des autres, de n’être plus considéré comme une personne, mais d’être réduit à ma maladie dans l’esprit de l’autre ; peur enfin de ne plus me sentir utile pour ma famille et mon entourage.
Mon cri s’élève vers Dieu, plus vrai et plus profond qu’il ne l’a jamais été auparavant. En communion avec de nombreuses personnes, je prie pour ma guérison.
Puis vient le temps des réponses.
LE COURAGE C MME LA MANNE, AUJOUR LE JOUR
Je découvre que vaincre la maladie, guérir, ce n’est pas uniquement retrouver ma santé. Pour avoir la foi, il me faut d’abord gagner sur le terrain de mes pensées et de mes sentiments. Il me faut me rappeler que la souffrance, la maladie et la mort sont l’héritage du péché pour tous les hommes. Pourquoi y ferais -je exception ? Je dois aussi me rappeler que le Patron de ma vie tient celle-ci bien en main, malgré les apparences présentes. Dieu connaît notre souffrance, car, par la personne de Jésus-Christ qui a goûté la souffrance la plus cruelle, il sait par où nous passons (Hé 4.15). Cette épreuve qui perdure me fait découvrir que Dieu me donnera finalement le courage nécessaire au jour le jour, comme une manne dans le désert (Ex 16). Cette épreuve me permet d’accepter que Dieu est Dieu et que je dois m’incliner devant sa souveraineté. Pour moi, c’est un réel combat de foi de garder confiance, quelle que soit la réponse qu’il donnera, à la vie ou à la mort. Mais c’est un défi que je veux relever ! On a toujours le choix de la foi. Dieu m’amène à comprendre que, si Jésus a appris l’obéissance ultime par ses souffrances (Hé 5.8), moi aussi je dois me plier à cette discipline.
ESPERANCE DE LA RESURRECTION
Discipline de la prière aussi, où je découvre que l’espérance de la résurrection tient une place bien plus importante qu’auparavant dans ma vie. Progressivement, même au fond du trou, dans mes douleurs, je fais l’expérience de cette paix que Dieu seul peut donner (Ph 4.7), où mes peurs s’estompent peu à peu. Quelle beauté aussi de lire ou d’écouter, lus par mon épouse, les psaumes, témoignages des temps de crise du juste !
Dieu m’accorde des sursis. Et la vie doit continuer...
POUR QUOI ? POUR QUOI ?
Face à ma peur de la solitude et d’être enfermé dans ma maladie, malgré ma réticence aux visites et aux appels téléphoniques à cause des fatigues engendrées, je fais le choix d’une correspondance intensive par Internet. Pour dire ma souffrance, pour partager mon parcours, j’ai fait d’office le choix d’oser exprimer ce que je vis comme je le vis. Et que de réponses ! Même si certains m’imposent leurs consolations faciles, leurs solutions prêtes à l’emploi, leurs sentiments et leurs convictions, j’ai vécu avec beaucoup d’autres, avec le personnel soignant aussi, des moments de relation vraie, empreints de ce respect et de cette écoute inconditionnels dont j’avais besoin pour survivre.
Dieu m’a appris à transformer tous mes « pourquoi » (warum ?), en « pour quoi » (wozu ?). Tout cela a un sens : l’épreuve a enrichi ma vie ; elle m’aide dans mon témoignage ; elle transforme ma relation avec Dieu et avec les autres.
CHOIX
Malgré une deuxième rechute de la leucémie qui me laisse partiellement paraplégique depuis quelques mois, Dieu me laisse assez de forces pour me garder combatif, ne pas trop dépendre de mon épouse et avoir encore quelque chose à donner à ma communauté. C’est un nouveau défi ! Dieu sait que j’aurais trop de mal à me dépouiller complètement de mon faire pour ne plus qu’être. Il sait que mon bonheur s’appuie encore bien trop sur mes activités, et il respecte cela. Je veux le suivre dans la paix et la louange de ce qu’il est resté dans ma vie. Même au plus profond de la souffrance, comme le pauvre Job, on a toujours le choix de regarder à Dieu ou à soi-même, d’être heureux ou malheureux, au lieu de se plaindre. C’est ce choix qui constitue la foi.
—MICHEL KEMPF Eglise de la Ruche, Saint-Louis, ancien
PRESENTATION EN BREF
Père de quatre enfants de 22 à 27 ans, Michel Kempf, entouré de son épouse Esther, est ancien de l’Eglise de la Ruche à Saint-Louis. Depuis Noël 2013, à l’âge de 52 ans, il se bat contre une leucémie aiguë monocytaire (LAM). Les Noëls suivants, il subira encore deux rechutes. Mais la lutte continue...
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