Posté: 28 mars, 2013
Amsterdam, Pays-Bas – « Une contribution au débat public » c’est ainsi que Fernando Enns, professeur d’éthique et de théologie mennonite de la paix appelle euMENNet. Ce projet multimédia se propose de révéler l’influence de cinq siècles de migrations mennonites, et d’affiner l’identité mennonite en Europe dans l’avenir.
Pendant des siècles, les anabaptistes sont partis, se sont un peu installés et sont repartis. La diaspora anabaptiste a conduit les mennonites à travers l’Europe en Ukraine, Pologne, Allemagne, Pays-Bas, Suisse et ailleurs. De temps en temps il y avait des raisons de rester , puis de repartir : l’oppression, les difficultés ou la prospérité économiques, la liberté de religion. Le projet international multimédia euMENNet a été conçu pour apprendre à connaître nos compagnons de foi ; il devrait être prêt pour l’été 2014.
Qu’est ce qui lie ce groupe de mennonites européens ? Et quelles sont leurs différences ? Quelle est leur histoire ? Quelle a été leur influence sur la société et l’histoire européenne ? Que pouvons-nous apprendre de leur histoire ? La réponse à ces questions sera donnée par les mennonites à travers l’Europe par des vidéos, des textes et une base de données.
Fernando Enns, professeur d’éthique et de théologie mennonite de la paix au Séminaire Mennonite est, avec d’autres, responsable du contenu du projet. Je l’ai rencontré à la Vrije Universiteit à Amsterdam, à la faculté de théologie. Tous les bureaux et les espaces de travail ont de grands murs en verre, ce qui donne un sentiment de transparence. « Ici personne n’a un lieu de travail fixe, ce sont des lieux flexibles » dit Enns. « Voilà pourquoi cela a été construit ainsi. Seuls nous, les mennonites, nous disposons d’une pièce à nous qui est vraiment belle. C’est un vrai contraste avec l’histoire qui se cache derrière euMENNet : les mennonites en Europe et dans le monde entier étaient toujours en quête de nouveaux lieux. Ici dans la VU c’est le contraire, ils sont les seuls a disposer d’un lieu fixe ».
Identité
‘EuMENNet’ nous aidera, nous les mennonites européens à faire connaissance les uns avec les autres. Tous les six ans nous nous rassemblons pour le CME (Conférence mennonite Européenne). Ensemble, nous célébrons des cultes, nous nous retrouvons avec plaisir, à la fin nous nous disons au-revoir et c’est tout. En particulier après la dernière CME j’ai eu l’impression qu’il nous fallait plus réfléchir à la manière de créer une identité mennonite en Europe, et je n’étais pas le seul ». Enns pense qu’euMENNet est un ce ces outils. « Il faut mettre en place quelque chose qui donne forme à l’identité mennonite en Europe ».
Le projet tente de développer cette identité par des histoires venant des mennonites eux-mêmes. « Ce n’est pas comme si les savants et les comités d’église développaient une identité en disant aux églises en quoi elle consiste. Nous voulons raconter les histoires de la base sous différentes facettes, suivant les régions. Nous ne nous contentons pas de regarder seulement l’histoire des mennonites de différentes régions d’Europe, mais aussi leurs objectifs et les défis auxquels ils font face en ce moment. »
Europe
Ce projet multimédia concerne les mennonites, il est mis en place par les mennonites, il est très intéressant et de grande valeur pour les mennonites, mais, selon le professeur, il est aussi important pour les autres Européens. « L’histoire des mennonites est en lien avec l’histoire de l’Europe. Dans les régions où ils avaient la permission de s’installer, les mennonites ont toujours contribué au développement de la langue, de l’économie, de la culture de la politique et de la théologie. Ils ont aussi contribué au progrès technique, par exemple dans le domaine de l’agriculture. »
A titre d’exemple, le professeur mentionne l’Ukraine et les Pays-Bas. « En Ukraine, les mennonites en tant qu’étrangers ont mis en place des usines d’outillage agricole et aux Pays-Bas, c’est le mennonite Cornelis Lely qui a conçu et dessiné le Afsluitdijk » (‘digue de fermeture’ ).
Les mennonites ont joué un rôle dans l’histoire politique de l’Europe. « Au temps de la Réforme les anabaptistes/mennonites demandaient la liberté de choix pour le baptême des adultes, la liberté d’expression, et la liberté d’exemption de la conscription. Toutes ces libertés pour lesquelles les mennonites souvent opprimés se sont battus en tant que minorité, sont maintenant considérées comme des droits humains universels. Les mennonites n’étaient bien sûr pas la seule minorité à demander ces libertés ».
Enns pense que nous pouvons apprendre de toutes ces contributions à l’histoire. « Les citoyens de l’Europe sont incroyablement divers. Aujourd’hui tout le monde parle de l’importance de la liberté religieuse et de la tolérance. Mais en même temps il devient de plus en plus difficile de gérer ces concepts ; nous sommes également confrontés aux limites de la liberté. Comment pouvons-nous préserver la diversité sans perdre l’unité ? Les mennonites peuvent apporter quelque chose à ce débat,en tant que minorité portant en elle une grande diversité, mais toujours dans l’effort de préserver l’unité,. »
Débat public
Enns réalise que la contribution au débat public est une chose « Bien sûr d’autres religions et minorités ont leurs histoires et peuvent eux aussi contribuer de manière significative à ce débat. Mais il est important de faire entendre notre voix, puisque beaucoup ne connaissent pas les mennonites. Si nous ne racontons pas notre histoire, elle pourrait être perdue.»
« La plupart des églises ont des bureaux à Bruxelles et des contacts réguliers avec des hommes politiques européens, mais pas les mennonites. » Le professeur pense que comparés à d’autres églises, les mennonites ne font pas assez entendre leur voix dans le débat public européen. « Nous devons nous organiser dans un contexte européen et faire entendre notre voix. Les mennonites hésitent à le faire, mais nous vivons en démocratie, et nous avons le devoir de nous joindre à ceux qui donnent forme à l’avenir de nos sociétés européennes.
EuMENNet ne suffit évidemment pas à donner corps à cette contribution pour la démocratie européenne. Mais selon Enns c’est une part ce de qui doit être fait pour avancer en tant que mennonites sur ce continent. « C’est une manière de déterminer notre identité et de la montrer à d’autres. D’autres manières de le faire seraient d’embaucher un coordinateur européen mennonite ou d’organiser des rencontres mennonites européennes entre les mennonites. La diversité au sein des mennonites européens continuera à exister. Mais nous pouvons essayer de trouver des réponses aux questions suivantes : Qu’est-ce qui fait que nous nous appelions mennonites ? Et comment allons-nous établir notre propre profil dans le monde autour de nous ? »
EuMENNet
Sur une initiative de Kees Knijnenberg (International Menno Simons Center) et d’Antoinette Hazevoet, cinq siècles de l’Europe mennonite sont présentés grâce à euMENNet. Par un site Internet qui sera prêt pour 2014, un circuit de migrations et d’autres activités, des histoires de mennonites à travers l’Europe seront contées. EuMENNet est un projet international auquel participent beaucoup de mennonites en Europe.
Fernando Enns
Fernando Enns (48) est professeur d’éthique et de théologie de la paix mennonite à la Vrije Universiteit à Amsterdam. Il a mis en route le programme « Décennie pour vaincre la violence » du Conseil Œcuménique des Eglises (2001-2010). Il est né au Brésil, a fait ses études en Allemagne et aux Etats-Unis, il est actuellement enseignant à Hambourg (Institut pour la théologie de la paix) et Amsterdam.
Article par Jan Willem Stenvers, l'un des rédacteurs de Doopsgezind NL, une publication de l'Algemene Societeit Doopsgezinde aux Pays-Bas. Traduction Louise Nussbaumer
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